Sur la route passant près du Manoir...

"Doit-il poursuivre ou non?"

La question était pourtant simple, mais elle l'occupait depuis maintenant quelques heures. En partant de Morclée, Richard de Cassentel avait réussi à chasser de son esprit un débat qui promettait d'être à la fois révélateur, évocateur, provocateur et.... possiblement... dévastateur. Et c'est cette dernière option qui effrayait jusqu'à un certain point le Comte de Cassentel. Jusqu'à quel point pouvait-il se permettre une nouvelle remise en question? Mais bon... il avait, depuis que le convoi s'était ébranlé, épuisé tous les sujets de réflexion plus sécuritaires, et, il devait bien se l'avouer, la question le hantait quelque peu. Pour une fois, il semblait prêt à réfléchir de façon rationnel. Mais voilà : était-il vraiment prêt? La peur d'avoir mal... si bien que le problème tournait en rond, encore et encore, dans un cercle vicieux qui en aurait étourdi plus d'un, avant d'inévitablement se terminer en cul-de-sac.

Son air, à la fois songeur et affligé, subissait dans l'indifférence propre à l'ignorance le regard quelque peu dégoûté de son écuyer, homme ingrat et imbu, avant même d'être assermenté, du titre qu'il allait recevoir. Si seulement son père avait su auprès de quel genre d'homme il l'envoyait apprendre l'art de la chevalerie, nul doute qu'il y aurait réfléchi à deux fois! Le maître d'arme du Comte surpris son regard, et ses yeux énoncèrent de sombres reproches muets. Pour une fois, l'écuyer faillit bien les ignorer, mais se ravisa. À quoi bon vendre le métal de l'écu avant même d'avoir pu en profiter? Il reprit donc un air neutre, qui fut accueilli par un soupir de résignation d'un Comte de Cassentel toujours perdu dans ses pensés. En fait, Richard de Cassentel venait d'abdiquer devant cette envie subite de ressasser le passé.

"Du simple point de vue des convenances... il devrait tout simplement baisser les bras. Il n'a aucun titre de noblesse, un simple soldat d'élite qui risque d'être envoyé en première ligne devant les catapultes à toute heure."

Et il se revit, simple fils de Comte courtisan une princesse de haute lignée. Quelles avaient été ses chances, au juste? Et qu'aurait-il dû faire, point de vue convenances? C'était son propre père qui avait dû user de sa persuasion auprès du Roi afin de rendre l'union possible. Sans l'ombre d'un doute, Gaspard ne pourrait compter sur un tel appui. Soudain, il se sentit pris d'une grande responsabilité face à ce jeune homme qu'il ne connaissait que depuis deux jours.

"Réfléchit, Richard, réfléchit... il doit y avoir un moyen..."

Étrangement, la réflexion ne s'avérait pas si douloureuse. Les souvenirs étaient présents, mais pour une fois, il pouvait n'en envisager que le côté positif.