Salon personnel du Comte de Cassentel

Richard de Cassentel était d'humeur maussade. À peine s'était-il dirigé vers sa chambre pour se reposer qu'une servante l'interceptait pour lui faire part de la visite d'un dénommé Sir Grésil. C'est donc avec une certaine mauvaise volonté qu'il avait ré-orienté sa course afin de se diriger vers son salon personnel, où l'attendait l'invité en question.

- Sir Grésil, je crois? Que me vaut l'honneur de votre visite?

Il avait parlé en s'avançant dans la pièce, tendant la main à son invité surprise.

Sir Grésil claqua ses talons et esquisca un salut martial..il se reprisde justesse, et saisit avec raideur la main que lui tendait la maître de maison. feignit une poigne légère et fragile. Son maintient était solennel, comme à une remise de récompense. Mais il fronça discrètement un sourcil et répondit à la question en tentant bon grès mal grès un sourire qui se voulut chaleureux mais qui se mua en une grimace crispée:

"_ Tout dabord je tiens à vous présentez mes respects de la part d'un de vos admirateurs estimé Mr de Prévin d'Ordengueal." Il claqua une nouvelle fois ses talons et rajusta sa cravache sous son bras, ce qui lui donnait l'air d'un pantin de l'armée fanfaron.


_Je regrette de ne pas voir envoyé de messager avertisant ma venue. En route vers la capitale pour une affaire éminente, c'est avec déférence que je daigne me présenter en votre seigneuriale demeure afin de requerir votre avis.

Il laissa en suspend ces derniers mots espérant avoir su capter l'intérêt de son hôte. Sir Grésil restait droit comme un "i" et tortillait de son doigt ganté le bout de sa barbiche rousse.

Prenant place dans l'un des confortables fauteuils recouverts d'un riche tissu bourgogne, Richard de Cassentel se laissa aller légèrement vers l'arrière, observant cette pièce qu'il ne fréquentait que trop peu tout en écoutant d'une oreille distraite son interlocuteur. Sur le mur à sa droite, Deux larges fenêtres s'ouvraient sur la cour intérieur du château, alimentant la pièce en lumière pendant le jour. À l'heure actuelle, cependant, plusieurs chandeliers avaient dû être allumés. Disposés au mur dans des socles en or massifs mais aux formes modestes, ainsi que sur plusieurs plafonniers, les minuscules flammes fournissaient néanmoins à la pièce une clarté similaire à celle du jour. Elles permettaient ainsi aux visiteurs d'admirer les riches tentures bourgognes et or suspendues aux murs, de même que les différentes portraits de famille et les somptueux tapis d'orient ramenés de quelques voyages à l'étranger.

L'entrée en matière de Sir Grésil fut des plus classique, et contribua à l'ennui du Comte de Cassentel. Des visites de courtoisie, il en recevait peu et, généralement, elles se révélaient d'un ennui mortel.

"Tiens, je connais un Mr de Prévin à Ordengueal? Je vais devoir m'en souvenir..."

Mais cette pensée fut vite écartée alors que le Comte observait maintenant son interlocuteur, trouvant intérieurement tout à fait ridicule cette barbiche rousse.

"Les roux devraient définitivement porter leur barbe courte..."

Finalement, lorsque Sir Grésil lui demanda son avis, Richard de Cassentel ne su trop quoi répondre. D'abord, pourquoi son avis à lui avait-il soudain de l'importance à Naraya? Néanmoins, le Comte toussota, adopta une attitude sérieuse.

- Bien sûr, bien sûr. Et sur quel sujet requiérez-vous mon avis, Sir Grésil?

Grésil resta absorbé par les tentures bourgognes et or qui encadraient les fenêtres: c'était très luxueux.
Il appuya sa main sur le dossier d'une chaise.
Son regard tomba vers l'homme assis . Il crut discerner fugitivement dans l'expression du Comte un air mi-amusé qui s'effaça promptement.

Rhodan saurait-il comment amadouer le maître du château et apaiser des soupçons de sa part?

"_Les rumeurs ..hum... qui courent à Ordengueal raconte que vous êtes revenu d'un long voyage. Cependant...vous n'êtes pas sans savoir, Sir de Cassentel, qu'il y a longtemps, Emerald le Sage a ordonné à son peuple de s'étendre pour conquérir d'autres territoires. Ainsi des voyageurs s'établirent dans les montagnes et fondèrent Nushki. C'est de là que je viens. Pour affaires."

Il balanca son poid sur une autre jambe, toujours très droit et guindé.

"_Le peuple Nushkien souhaite étendre ses relations avec Naraya. Je suis élu pour transmettre un message de leur part au Roi."

Il se gratta la gorge, et fit mine d'être un peu gêner de continuer..il coula un regard de biais vers son interlocuteur.

"_Je remet à votre sagesse le soin de préserver cette information secrète..."

Il prit un ton plus tendu.Sa voix monta dans les aigus.Ses yeux et ses cheveux luisaient à la lueur des chandelles.
Il se rapprocha et s'asseya sur le fauteuil et émit un sourire veritable:

"_Nushki souhaite développer un accord de type militaire entre les deux régions.En effet, malgrès le fait que Olsoe n'ait peur de rien, les brigands oppressent malgrès tout les frontières.Et on ne jure plus de rien.Je veux savoir, selon vous, si le Roi acceptera cet accord.Les termes sont simple: envoyer des soldats à Nushki...hum... contre des échanges economiques plus fructueux."

Bien entendu Rhodan brodait cette histoire de long en large. Son personnage semblait marcher à merveille.Selon lui...Peut-être se trompait-il. Ce qu'il souhaitait avant tout c'est connaitre vraiment l'avis du Comte de Cassentel sur le Roi. Quels étaient leur relations?Amicale?Ennemies?

À vrai dire, bien qu'il le dissimula bien, Richard de Cassentel se sentait plutôt somnolent. Derrière des yeux en apparence attentif, et malgré ce hochement de tête affirmatif classique des gens qui écoute, le Comte Richard rêvassait. Il y avait si longtemps qu'il ne se mêlait plus de la vie politique de Naraya que toute cette discussion, pour lui, ne rimait à rien. Néanmoins, lorsque Sir Grésil parla de Nushki, il eut soudainement toute son attention. Ses yeux s'aggrandirent et ses sourcils se froncèrent par la suite, alors qu'il détaillait un peu mieux son interlocuteur.

"Ce rouquin d'aristocrate à la manque vient de Nushki?? Alors là, si je ne m'abuse, ça doit bien être le seul roux du village, et nul doute qu'avec cet air pédant, il aura été quelque peu maltraité dans sa jeunesse!"

Il fut tout aussi surpris lorsque Sir Grésil lui parla d'un possible accord militaire entre Nushki et Naraya... De un, un accord du genre n'existait-il pas déjà, implicitement? Et de deux... le dur peuple nushkien demandait de l'aide? Tout cela était drôlement étrange. Richard de Cassentel avait été loin de la politique narayenne pendant longtemps, mais, malgré qu'il se tint retirer de tout, les bruits parvenant à ses oreilles s'accordaient drôlement avec ce qu'il entendait à présent. Aussi, lorsque Sir Grésil eut terminé son discours, il demeura perplexe.

- Hum... Sir... euh... Grésil... Si je ne m'abuse, puisque Nushki est inclus dans les frontière du Royaume, je vois mal pourquoi notre Roi... hum... Démérick... s'abstiendrait d'envoyer de l'aide aux nushkiens si le besoin se faisait ressentir, n'est-ce pas? Votre question est beaucoup plus théorique que pratique, en fait.

Et Richard de Cassentel voyait mal ce qu'il pourrait ajouter de plus. Aussi, c'est avec une curiosité réelle qu'il posa à son tour une question.

- Mais, Sir Grésil, qu'est-ce qui vous fait croire que je sois la bonne personne pour juger de l'opinion de notre Roi?

"_On m'a employé comme simple messager, ma ville de naissance est Morclé, voilà pourquoi je suis passé dire bonjour à un vieil ami d'Ordengueal.Il m'a conseillé de me rendre chez vous!ah! L'homme roux espérait, par ses paroles, dissiper l'air de soupçon qui flottait intantinné dans la pièce.
...J'ai oui dire que des expeditions de longues haleines ont été menées pas des chevaliers Narayens jusqu'à Nushki. La région est périlleuse et les Nushkien vivent reclus à l'abri de leur refuge et défensse naturelles: les montagnes!...oh oui!croyez moi...hem..., j'y ai bataillé."
Il prit un air d'extrême contrariété, comme s'il se rememmorait des souvenirs désagréables.

Il n'avait pas encore joué carte sur table.

Les propos que Rhodan faisait dire à Sr Grésil n'étaitent pas entièrement dépourvu de teneur. Il avait effectivement passé ses années de service dans le nord du pays.

Rhodan contempla l'homme face à lui. Ce qui chez Grésil se changea en moue agacée.
Charismatique, Cassentel dégageait une aura de meneur. Il semblait extrêmement prudent et avisé. En fin de compte, il n'était pas du genre à se faire leurer facilement... contrairement à une certaine Mme de Prévin. Il sourit intérieurement de sa vieille farce.

Rhodan se remémora instantannément la lettre qu'il avait trouvé chez cette dernière.

Citation :

- Mais, Sir Grésil, qu'est-ce qui vous fait croire que je sois la bonne personne pour juger de l'opinion de notre Roi?

"_Votre fils, messire, votre fils."

Un petit sourire flotta sur ses lèvre derrière sa moustache postiche.

"Donc... les Nushkiens ont engagé un rouquin de Morclé pour les représenter auprès du Roi...?"

Voilà qui, dans les faits, n'étaient pas tout à fait dans les habitudes des dirigeants de Nushki. Aux dernières nouvelles, les gens de Nushki n'avaient aucunement honte de leur apparence, et envoyaient généralement eux-mêmes leurs messagers. La situation actuelle était étrange, mais Richard de Cassentel n'avait certainement pas envie de se lancer dans une enquête exhaustive.

- Mon fils... c'est vrai. Il n'est malheureusement pas présent en ce moment. Et comme je reviens seulement de voyage, j'avoue ne pas être au courant des derniers développements au château royal.

Richard de Cassentel n'aimait guère être mené en bâteau, et il en avait fortement l'impression à l'heure actuelle. Mais qu'allait-il y faire, au fond? Le Comte n'était pas non plus du genre à crier aux loups...

- Théodoric sera de retour demain, mais je l'accaparerai personnellement à ce moment. Si vous repassez après-demain, vous devriez pouvoir lui parler.

Son front perlait de sueur.
Il avait l'impression d'être un renard qui se mord la queue.
Certes il devait parler à Théodoric pour approcher son ami Olrik et en savoir plus sur la famille Royale.

Mais ce grigou de Comte était un fin observateur possèdant un sens de la rhétorique inflexible.
Il comprit que le jeu ne durerait plus longtemps.
Il fallait tenter autre chose.

Citation :

- Théodoric sera de retour demain, mais je l'accaparerai personnellement à ce moment. Si vous repassez après-demain, vous devriez pouvoir lui parler.

Rhodan comprit que son interlocuteur le conviait à prendre congé.
Il se leva et abandonna tout les simagrés de Sir Grésil.Plus de maintient droit, plus de cravache, plus de tics nerveux...

Gagner la confiance d'un homme comme le Comte était malaisé.
Il fallait faire preuve de sincérité. cette perspective ne l'enchantait pas.
Il fit volte-face et sonda Richard de Cassentel:
"_J'admire votre patience... il sourit en coin, et arracha sa moustache.

"_Je suis saltimbanque. Ma troupe me précède. J'ai parié avec eux que je jouerais la comédie au Château de Cassentel. La profession de comédien demande des épreuves de formation très...singulières.
C'est une question de...d'audace, de provocation même. Et la célébrité sourit aux effrontés."
Il marqua un silence et ajouta en s'inclinant:
"_Merci d'avoir étét bon public.Aurais-je le plaisir d'égayer vos fêtes?"

Il espérait vivement pouvoir se mettre au service de la famille
d'une quelconque manière que se soit. Mais ce qui le contrariait surtout s'était d'avoir dévoilé une de ses facettes.
Dans deux jours, peut-être aurait-il l'occasion de rencontrer le fils.[b]

Alors c'était donc cela... Lorsque le postiche tomba, Richard de Cassentel ne fut pas tellement surpris. Après tout, n'avait-il pas déjà flairé l'imposture? Étrangement, il ne ressentit pas de colère, mais plutôt une grande lassitude.

"Me respecte-t-on donc si peu, dans ce Royaume, que je ne suis bon qu'à subir de telles blagues?"

Mais au fond, qu'avait-il fait, récemment, pour mériter leur respect? Il ressentait un certain dégoût de sa propre personne.

- Bien. Vous pourrez dire à vos collègues que vous avez réussi.

Se levant, il se dirigea à son tour.

- Je vais vous laisser retrouver votre chemin jusqu'à la sortie. Tâchez de vous présenter sous votre vrai nom lorsque vous reviendrai.

Sur ce, Richard de Cassentel regagna sa chambre, non sans avoir lancé, au préalable, un regard à Nestor, l'intendant. Celui-ci veillerait à ce que le faux Sir Grésil ne s'égare pas trop...

Rhodan/Grésil ne remarqua pas le regard lancé du maitre au domestique. Néanmoin, il comprit que son petit tour n'avait éveillé que de la méfiance dans le coeur de Richar de Cassentel.
Il décida de quitter le château avant la nuit pour trouver une chambre dans le village le plus proche.